Le coaching prend un risque en se développant aussi vite que ce que la mode lui a permis : celui de devenir le dernier avatar du conseil en entreprise pourvu de la sempiternelle et ordinaire plus value: un petit peu plus du même pouvoir imaginaire …C’est l’écueil que propose d’éviter l’approche fondamentale.

Le coaching prend un risque en se développant aussi vite que ce que la mode lui a permis : celui de devenir le dernier avatar du conseil en entreprise pourvu de la sempiternelle et ordinaire plus value: un petit peu plus du même pouvoir imaginaire …C’est l’écueil que propose d’éviter l’approche fondamentale.

Développer la pratique du Coaching comme une pratique fondamentale d’accompagnement oblige à mes yeux à en déterminer les fondements psychologiques. Et si le Coaching doit se consacrer à « faire quelque chose du côté du professionnel », qu’il s’agisse des performances ou du bien être d’un individu, d’un groupe ou d’une organisation au travail il me semble qu’on aura tout intérêt à interroger non pas seulement l’idéologie sous jacente à telle ou telle méthodologie ou école de coaching mais également, au delà, à déterminer pourquoi le travail a pris, prend et prendra une telle place dans l’existence personnelle de chaque sujet concerné par la question de son travail.

Les déterminants historiques, sociologiques, économiques ou politiques peuvent apparaître comme fondamentaux, mais ne peuvent pour autant apparaître transcendantaux..

Autrement dit, il faut déterminer la part de liberté interne que peut espérer développer une personne dans son rapport au travail. Il s’agit bien de liberté interne et non de liberté individuelle. La notion de zone d’incertitude développée par des sociologues comme CROZIER souligne certes le jeu ou la stratégie d’un individu en situation, mais ne traite pas des raisons pour lesquelles cette personne choisirait telle ou telle stratégie, ni les tenants et les aboutissants qui lui font constater au bout du compte qu’elle se retrouve dans telle ou telle situation professionnelle.

Le deux ex machina du travail n’est pas seulement collectif ou économique. Que quelqu’un se retrouve chômeur pour des raisons économiques (crise) ou politiques (guerre), sociologiques (milieu défavorisé), psychologiques (paresse) ou médicales ou autres, ne répond toujours pas à la question « pourquoi travaillons nous, » . Y a t-il quelque chose qui nous pousse à travailler. Le travail relève t-il du besoin ( Maslow !) ou du Désir ?

En réalité il y aurait tout intérêt à poser enfin une question copernicienne. Faire du Coaching avec l’idée habituelle de mettre ou de préserver du désir dans le travail (fut ce sous la forme spécialement niaise du bien être au travail ) n’a rien à voir avec l’analyse de la place du travail dans le Désir.

Dans un cas, le travail est un objet extérieur, évident comme donné à priori: on doit travailler , comment s’arranger confortablement avec ça ?

Dans l’autre cas, il s’agit de savoir in fine pourquoi on travaille, et encore pourquoi on travaille ainsi ?Ou, pour mieux poser la question encore : « comment se retrouve t-on à travailler ainsi ? »

Ainsi se pose la question : y a t-il un Désir de travail ? Au sens où le désir est l’ensemble des éléments signifiants, conscients et inconscients qui mènent notre chemin particulier de carrière et de comportement au travail.

Il y a bien du désir pour animer nos relations à l’amour, pourquoi n’y en aurait il pas dans ce qui anime notre rapport au travail ?L’intérêt de cette question est éminemment pratique, contrairement à ce que pourrait faire penser cette approche très conceptuelle.

En effet s’il y a dans la relation au travail un processus équivalent à la relation à l’amour, alors s’ouvre un champ, celui de l’épanouissement ou du trouble du désir de travail, qui serait peut être bien le vrai champ de l’approche fondamentale.

Mais de la même façon qu’on ne sait pas trop à quel mystère on touche lorsqu’on se mêle de la vie sentimentale ou affective des autres dans la relation qu’ils entretiennent avec leurs « objets affectifs », saurait on vraiment à quoi l’on touche quand on se mêle de traiter du rapport des ces mêmes autres avec leur objet travail ?

Bien sûr, il est toujours possible d’intervenir, de donner son avis, des conseils, peut être même d’influencer ou de se proposer comme modèle, mais on est alors dans une pratique empirique reposant sur un système particulier de projections et d’identifications croisées et incontrôlées entre coach et coaché, en espérant qu’il en sorte quelque chose.

Il en sort toujours quelque chose, car la magie de la rencontre est telle qu’on se nourrit toujours des autres, mais dans ce cas précis le Coaching n’apporterait rien de plus – en bien ou en mal – que n’importe quelle autre relation un tant soit peu attentive. Ma concierge y suffirait peut être ?

Une pratique du Coaching apparaîtrait différente et plus « de fond » si elle peut rendre compte effectivement et clairement des raisons et des objectifs des dispositifs qu’elle met en place.

En fait si la pratique du Coaching peut définir son objet en même temps que ses objectifs, elle gagnera alors une vraie pérennité. Ne définir que des objectifs comme c’est encore le cas aujourd’hui équivaut à présenter des bonnes intentions, sachant l’endroit qu’en général, elles servent à paver.

Le désir de travail, s’il s’agit de lui comme véritable objet de l’accompagnement professionnel, présente certes l’inconvénient de compliquer apparemment des choses qu’on préfère penser simples. Ce concept simplifie pourtant la réelle complexité de notre rapport au travail.

Le travail est nécessaire à l’homme d’abord pour entretenir en permanence certains éléments de sa structure psychique, sous certaines conditions. Ainsi touchant la relation au travail d’une personne nous touchons aussi les fondements personnels de son inscription sociale et très probablement des fonctions symboliques essentielle à son lien à la réalité. L’équivalent du châssis d’une voiture, de la colonne vertébrale d’un corps, des fondations d’une maison.

La responsabilité de l’approche fondamentale se joue donc à mes yeux dans sa capacité à se présenter comme pratique reposant sur une expertise : celle de la place du travail dans la construction de l’appareil psychique, ce que je nomme le Désir de Travail.

Dès lors faut il vraiment en finir avec le coaching ?

On sait qu’aujourd’hui le marché du coaching est constitué essentiellement par les écoles et les formations au coaching. Il est probable que peu des coachs sortis de ces fabriques auront envie de pratiquer ce qui n’est pas encore tout à fait un métier, une fois passée la rencontre avec l’imaginaire de la chose. Les autres devront faire avec la réalité de la concurrence sur un marché qui n’aura pas toujours envie d’être le terrain d’une expérience pseudo novatrice.

Il faut bien en venir à l’idée que c’est l’entreprise elle-même qui décidera s’il faut en finir ou non avec le coaching. Elle pourra le faire à condition d’oser se poser une seule question à son propos .

Cette question est la suivante :

Veut-on par le coaching avoir des cadres encore plus adaptés à l’entreprise ou, ce qui peut être très différent, des cadres plus clairs dans leur relation avec le travail ?

La première solution ( des cadres plus adaptés à l’entreprise ) est rassurante, efficace sur le court terme. Elle semble normale et raisonnable. Pourtant elle ne change rien à ce qui fait le fond de la grande majorité des problèmes de management et de motivation : une dépendance souhaitée (par tous) à l’entreprise bridant l’énergie même du travail, mais réalisant (pour tous) un « équilibre insatisfaisant mais stable ». Le coaching est le dernier avatar en date, de cette option.

La seconde solution (des cadres plus clairs dans leur relation avec le travail) relève d’un pari. Permettre aux cadres de clarifier individuellement leur lien au travail et à l’entreprise les rend moins contrôlables mais leur restitue l’essentiel de leur engagement. Ce pari implique un point de vue complètement différent sur le management : moins de dépendance, moins de contrôle affectif, plus d’outils d’accompagnement professionnel sous toutes sortes de formes, individuelles ou collectives,

Il va de soi que l’accompagnement fondamental préconise la seconde option, que le G.R.A.A.M. met en œuvre en s’appuyant sur l’exploration des racines très solides qui fondent pour chacun son lien singulier au travail. Cette option managériale se discute en amont avec les intervenants car elle bouscule plus qu’il n’y paraît les représentations de ce que doit être le travail. Mais l’avenir laisse t-il vraiment place à une autre option ?

Par : Roland Guinchard

Le : 22 mai 2006